Or et Argent : Analyse Post-Crash
Par Fabrice Drouin Ristori
Strictement rien de ce qui se passe en ce moment sur l’or et l’argent n’est relié aux fondamentaux. Ce crash, comme tous les précédents, est orchestré et ne reflète pas la situation extrêmement tendue sur les marchés de l’or et de l’argent physique.
Voici un état des lieux des éléments significatifs à prendre en compte. Je les ai classés dans trois catégories différentes :
1) Le contexte global
2) La situation sur le marché de l’or « papier »
3) La situation sur le marché réel de l’or physique
1) Le contexte global : rien n’a changé
- Objectif de protection du dollar :
Les opérations de manipulation des cours visent un objectif : celui de protéger la valeur du dollar, permettant à la Fed de garder un contrôle sur les taux d’intérêts, donc sur la valeur des bons du Trésor US et des dérivés de crédit largement détenus par les grandes banques.
Si la Fed perd le contrôle du dollar, ce qui arrivera inévitablement, étant donné qu’elle imprime des milliards de dollars tous les mois, les taux d’intérêts vont augmenter radicalement, la valeur des bons US s’effondrer, la bulle des dérivés de crédit exploser, et le système bancaire avec elle.
Manipuler le cours de l’or permet de détruire, auprès des masses, le signe annonciateur d’un effondrement du dollar et, par contagion, de tout le système financier.
Lire l’excellente explication de Paul Craig Roberts qui explique en détail comment la manipulation de ces derniers jours a été opérée, et quels intérêts elle sert.
- La Fed continue à imprimer 85 milliards de dollars tous les mois. Le Japon a annoncé le plus important plan d’assouplissement monétaire de son histoire avec l’injection de 1,4 mille milliards de dollars en deux ans. Aucun signe de limitation quant aux politiques monétaires inflationnistes de type QE.
- Le Premier ministre hollandais a confirmé, tout comme le rapport de la FDIC, que la confiscation des dépôts en Europe serait appliquée dans les futurs plans d’aide, comme à Chypre. La confiance dans le système bancaire européen est au plus bas.
- Depuis 2007, l’indice S&P a progressé d’à peine 1%, sur la même période et, même après la correction de ces derniers jours, l’or offre une performance de +100%.
- Le cours de l’or cette année a moins baissé que le cours de l’action Apple, qui a baissé de 39% depuis son plus haut de l’an dernier.
2) La situation sur le marché de l’or « papier »
- Entre vendredi 12 avril et lundi 15 avril, 1 million de contrats short (position vendeuses) ont été vendus sur le COMEX, soit 12% de plus que la production mondiale annuelle d’or.
- 150 tonnes d’or-papier ont été vendues en une heure vendredi dernier.
Vente réalisée sur le COMEX (marché de l’or US) par une seule entité, amorçant une cascade de ventes forcées par des investisseurs représentant au total 500 tonnes d’or. On peut logiquement se poser la question suivante : Qui a la puissance financière pour réaliser une telle opération ? Aucun trader ne vend une telle position en un seul bloc.
Paul Craig Roberts commente :
« Qui a la capacité de vendre l’équivalent de 500 tonnes d’or sur les marchés pour un montant représentant 24,8 milliards de dollars (soit 16 millions d’onces d’or ou environ 15% de la production mondiale annuelle d’or) ? Qui possèderait un tel stock d’or, si des demandes de livraison sur ces ventes à découvert venaient à se manifester ?
Par ailleurs, personne ne vend un tel montant d’or en une seule fois ; une telle vente se réalise progressivement pour ne pas faire s’effondrer les cours et, donc, limiter les pertes.
En l’occurrence, cette vente massive a occasionné la perte de plus de 1,168 milliards de dollars lors de l’opération. Qui peut perdre un tel montant, sauf à être capable d’imprimer la monnaie ? »
Réponse de Paul Craig Roberts, seule la Fed peut financer une telle opération et tolérer une telle perte, puisqu’elle imprime la monnaie.
Parenthèse: le CFTC, l’organisme censé réguler les produits dérivés, notamment ceux sur l’or et l’argent, autorise des prises de positions vendeuses énormes et concentrées (donc prises par une seule ou plusieurs entités) qui viennent perturber le mécanisme de détermination libre des prix. La manipulation de l’or et de l’argent ne pourrait avoir lieu si la CFTC régulait correctement les produits dérivés.
- Le COMEX et le LBMA seraient proches d’un défaut.
Le COMEX fonctionne sur une base fractionnaire ; il n’y a pas suffisamment d’or et d’argent physique disponible dans les inventaires du COMEX pour garantir la convertibilité de tous les contrats.
Rappelons que Kyle Bass, un des plus important gérants de hedge funds aux USA, qui avait correctement anticipé l’effondrement des subprimes, confirme dans cette vidéo que le COMEX fonctionne sur une base fractionnaire. Il a décidé, il y a maintenant quelques années, de demander la livraison physique de l’or qu’il détient via son fond, n’ayant pas confiance dans la capacité du COMEX à répondre à toutes les futures demandes de livraison. Si ne serait-ce que 5% des détenteurs de contrats sur le COMEX demandaient la livraison physique, le COMEX ferait défaut.
- Les stocks d’or physique disponible sur le COMEX et le LBMA sont en train de s’effondrer.
Et ce, au rythme le plus élevé depuis le début du marché haussier, en 2001. Les demandes de livraison sur les 90 derniers jours sur le COMEX ont représenté 2 millions d’onces d’or, soit 3 milliards de dollars, comme en témoignent ces graphiques.
La confiance dans les marchés d’échange d’or de type « papier » s’effondre. Les investisseurs ne veulent plus être soumis au risque de défaut de contrepartie. Le COMEX ou le LBMA feront très certainement défaut dans les mois à venir. La situation est intenable, au rythme où les investisseurs demandent la convertibilité de leurs contrats en or ou argent physique.
Ce qui fait dire à Andrew Maguire, trader spécialisé sur le marché de l’or de Londres, que le crash de ces derniers jours avait aussi pour objectif de faire baisser les cours avant une annonce de défaut par le COMEX ou le LBMA. Lire l’interview d’Andrew Maguire.
Défaut qui déclenchera une hausse rapide des cours et ce que Egon von Greyerz anticipe comme le plus important short squeeze (rachat des colossales positions vendeuses) de l’histoire. Lire l'article de Egon von Greyerz.
- Le cours de l’or « papier » en Yen a atteint son cours le plus élevé en 33 ans
Rien d’étonnant, alors que le Japon vient d’annoncer le plan d’assouplissement monétaire le plus important de son histoire. En moins de deux ans, le Japon s’apprête à injecter l’équivalent en Yen de 1,4 mille milliards de dollars, un montant sans précédent dans l’histoire du Japon.
Devant cette menace inflationniste, les fonds d’investissement institutionnels Japonais, et les Japonais eux-mêmes, commencent à migrer vers l’or physique au moment où les positions vendeuses des spéculateurs (COT Report) sur l’or et l’argent sont à un niveau record.
La migration globale vers l’or et l’argent physique menace tous les jours un peu plus l’explosion des marchés du COMEX et du LBMA. Un défaut de livraison sur ces marchés, et l’or explose à la hausse. La situation est intenable à long terme sur ces marchés. L’or physique permettant de répondre aux demandes de livraison des détenteurs de contrats-or n’existe tout simplement pas.
3) La situation sur le marché réel de l’or et de l’argent physique
- La Chine a profité du crash de vendredi dernier pour faire l’acquisition de 50 tonnes d’or physique.
Andrew Maguire, trader sur le marché de l’or physique à Londres, a confirmé, dans une récente interview, que la Chine avait fait l’acquisition de 50 tonnes d’or vendredi dernier, soit en plein crash du cours « papier » de l’or.
Visiblement la Chine, comme de nombreux autres pays, profite de chaque correction des cours pour faire l’acquisition d’or physique.
- Les deux plus importants négociants d’or et d’argent physique aux USA (Amark et CNT) sont en rupture de stock d’argent.
Suite au crash des cours de ces derniers jours, une demande massive s’est manifestée aux USA, et mondialement, pour l’acquisition d’argent physique. Le fait que cela n’ait aucune incidence sur le cours spot « papier » prouve que le marché de l’argent « papier (tout comme celui de l’or) n’est plus réel.
- Augmentation importante des primes sur les pièces d’argent :
Les négociants d’argent paient jusqu’à 3 dollars de commission pour se fournir (quand ils le peuvent) en pièces d’argent, dont les Eagles. Cette commission grossiste se situe avant celle facturée au client. Commission finale qui peut atteindre entre 10 et 12% au dessus du cours spot « papier » pour les pièces. Cela signifie que les producteurs ou détenteurs de pièces d’argent ne sont pas prêts à vendre sur la base du cours spot « papier » et que les deux marchés sont déconnectés.
- Un glissement de terrain sur une des mines exploitées par Rio Tinto dans l’Utah (seconde plus importante mine d’argent aux USA) entraîne la disparition de l’équivalent de 16% de la production mondiale annuelle d’argent.
Cet événement a eu lieu mercredi dernier, soit avant le crash. La mine sera probablement fermée pour plusieurs années. Lire le communiqué de presse.
Posons-nous la question suivante : comment est-ce qu’une réduction de la production mondiale d’argent d’un tel montant puisse n’avoir aucune incidence sur les cours ?
Je maintiens mes analyses de long terme et continue à recommander la détention d’or et d’argent physique comme protection contre les événements à venir : faillites bancaires, inflation et confiscation des dépôts. Il n’y aucune chance pour que notre système monétaire actuel de monnaies non convertibles perdure encore très longtemps.
Ces corrections sont difficiles à supporter, mais multiplier son capital dans un tel contexte de désinformation, de guerre monétaire et de manipulation ne se fait pas sans volatilité. Les investisseurs doivent comprendre globalement les événements qui se produisent et ne faire confiance qu’à leur interprétation de la situation.
Fabrice Drouin Ristori - Fondateur/CEO Goldbroker.com (FDR Capital)
ceo@goldbroker.com
Twitter : @FabriceDrouin
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